"Les jours, les mois, les années", Yan Lianke
YAN Lianke , Les jours, les mois, les années, Editions Picquier poche.
C’est l’histoire de l’aïeul, de l’aveugle et du pied de maïs, les deux premiers prenant soin du troisième.
Suite à l’abandon du village par ses habitants à cause de la famine proche, le vieil homme cultive, garde, voit grandir l’unique pied de maïs ayant résisté à la sécheresse. Il pense déjà au retour de ses amis, voisins, enfants en protégeant la plante afin que celle-ci délivre son épi puis ses graines. La semence pourra être à nouveau cultivée et redonnera ainsi vie au village, tel est son souhait.
Aidé par son chien aveugle il traverse sur plusieurs mois, un certains nombres d’aventures, somme toutes assez modestes mais nous rappelant à nous lecteur le rapport à la nature, la domestication de celle-ci, et surtout le rapport à l’animal sauvage comme domestique.
L’apparition des rats, des loups, l’ardeur du soleil, l’attente de la pluie, l’approvisionnement en eau, la recherche de nourriture rythment ce roman. Du rôle que tient ce gardien et cultivateur naîtront seulement sept graines de maïs. Chacune d’elles sera semée et veillée par sept jeunes hommes. Le roman s’achève ainsi, laisse planer l’imaginaire, une envie de suite. Pourquoi ? Simplement parce que ce livre prend son temps, l’auteur signe ici un roman poétique dans lequel on aimerait avoir une place où tout du moins être observateur. Que deviendront ces sept graines ?
Écrit par notre contemporain YAN Lianke ce roman est à découvrir aux Éditions Picquier, vous trouverez sur les liens ci-dessous des informations concernant l’auteur et ses livres.
http://www.editions-picquier.fr/auteurs/fiche.donut?id=230
http://www.editions-picquier.fr/catalogue/fiche.donut?id=916&cid=
Un article de fond sur l’auteur et ses œuvres :
http://rue89.nouvelobs.com/chinatown/2009/03/01/apres-deux-romans-interdits-un-livre-prime-du-chinois-yan-lianke-90796
En relation avec la pratique du Tao, le principe de nutrition par le souffle est abordé dans le récit pages 61-62. Manquant de nourriture, l’homme et son chien coopèrent ensemble à la recherche des grains de maïs cachés par les rats dans leurs différents trous. Le chien déniche les cachettes dans les champs et le vieil homme creuse avec sa houe pour trouver leur nourriture. Néanmoins les réserves des rongeurs s’épuisent et nos protagonistes ne trouvent plus guère de graines. Un soir, à la tombée du soleil, presque méditant à proximité du pied de maïs, l’homme entrait en contact avec une des feuilles qui lui caressait le nez. Il en aspira les effluves qui descendirent dans l’intestin puis dans le bas-ventre. L’image de la charrette empruntant une route est utilisée par l’auteur qui compare cette charrette à une saveur qui roule dans son corps. Pour garder dans son être cette saveur, le vieil homme rentre son ventre afin de bloquer ses intestins pour la retenir en lui.
Il est possible dans les pratiques du Tao de vouloir garder une image, une saveur, une odeur, un son, la sensation d’un toucher particulier, en soi. Pour cela il faut l’intégrer, en le faisant descendre en soi, en l’incorporant. La respiration y participe en y aidant beaucoup.
L’affrontement avec les loups pages 79 à 85 semble être une épreuve de patience, pas de combat à proprement parler, mais la tenue d’une posture. La prise en main du bâton, instrument de pouvoir et de mise à distance, est représenté ici par une palanche servant à transporter des seaux d’eau. « Alors tandis que l’animal s’approchait, les roseaux bruissant sur son passage, l’aïeul se courba promptement pour déposer les seaux à terre, se redressa et brandit la palanche droit devant lui, braquée vers la tête du loup ». Ce n’est ni plus ni moins que la prise en main de la garde dite du paysan, le peuple qui a les muscles et qui manifestement sait s’en servir. Un mouvement une position, l’aïeul restera en vie malgré toutes les stratégies d’intimidation que la meute de loups mettra en place pour le dévorer.