"Le palais des nuages" Patrick Carré

, par  Emmanuel

Il s’agit du rêve presque réalisé de Song Huizong un des empereurs des Song du Nord qui régna de 1100 à 1126. Patrick Carré, connu dans le monde des traductions de textes anciens chinois et tibétains, nous livre ici un bel ouvrage, un roman paru aux Éditions Phébus en 1989 Le Palais des nuages. Ce roman s’inspire de personnages historiques à l’image de Tchao Ki nom donné au jeune homme qui deviendra empereur, connu pour être un artiste spécialisé dans la peinture de fleurs et d’oiseaux. Il possède en plus une autre passion, le taoïsme. C’est cette dernière qu’excellera à montrer Patrick Carré dans le roman, attachant à son personnage le fameux livre de la Cour Jaune, classique taoïste des 4ème et 5ème siècles que l’auteur s’est évertué à traduire du chinois (Éditions Point).
Pourquoi une présentation, certes très sommaire, de ce livre ? Pour vous présenter un auteur assez intéressant et à conseiller. Afin de vous faire découvrir une période de cette dynastie chinoise, l’organisation politique de l’époque, certains arts culturels, une construction de récit particulièrement poétique… mais aussi tout un contexte en lien avec les fondements historiques de notre école chinoise.

Le Palais des nuages et l’école San Yiquan

En effet le général chinois Yue Fei (1103-1142) fondateur de notre tendance (Bâton de l’interne et Xingyiquan) est né trois ans après la nomination de Huizong, soit dans une période qui, au niveau des troubles frontaliers, se révéla catastrophique pour la Chine lui permettant ainsi de s’illustrer en tant que protecteur des frontières sous les Song du Sud. Un peu d’histoire : les Song du Nord subissant les attaques répétées des Kitans s’allient à un autre peuple du Nord les Djurchets (ennemis naturels des Kitans). Les Song après cette alliance qui n’aura servie qu’à changer de rançonneur se retrouvent être pris à parti par les Djurchets qui petit à petit s’installeront sur leur territoire. Gaozong (1127-1162) issu de la lignée des Song du Nord se retire plus au Sud et fonde la nouvelle dynastie des Song du Sud dont la capitale se situe à Hangzhou. C’est près de cette ville que Yue Fei très jeune fut recueilli par le clan Wang du marquisat de Yue qui fournissait à l’empereur nombre de soldats et gardes formés aux pratiques guerrières.

Le Palais des nuages et le roman Au Bord de l’eau les 108 Brigands

Patrick Carré fait également référence sans le citer au roman classique et épique chinois écrit au 14ème siècle par Shi Nai Han « Au bord de l’Eau les 108 chevaliers brigands » mettant en scène 108 braves s’affrontant mais aussi s’alliant afin de tenir tête à des fonctionnaires impériaux corrompus. L’esprit chevaleresque offert par ce roman comprend le code d’honneur, la morale mais aussi la vertu. Dans la façon de proposer nos pratiques il est en effet question d’art chevaleresqueSong Kiang le chef des chevaliers brigands est cité à la page 534 du roman. Ne remettant pas en cause le rôle de l’empereur dans les calamités que traverse le royaume, celui-ci accepte de secourir les provinces du Sud-est soumises à une rébellion mettant en péril la dynastie des Song. Malgré leur dévouement et le rétablissement de l’ordre dans les régions en révolte ils ne purent sauver le royaume qui du Nord au Sud en passant par le centre subit un affaiblissement prononcé.

Le Palais des nuages et le Livre de la Cour Jaune

Une méditation liée à l’introspection à travers son corps en imaginant les organes, leur fonction et la circulation entre eux contée d’une manière poétique : voilà La Cour Jaune que Song Huizong apprit par cœur et se récitait dans les moments de grandes solitudes. Henri Maspero fut le premier en 1937 à entreprendre l’étude de ces livres : le livre intérieur puis le livre extérieur. Le but de la Cour Jaune est très connu pour l’accomplissement d’un des instants centraux de notre existence : le plaisir sexuel. L’empereur Huizong y avait sans nul doute souvent recours ayant auprès de lui plusieurs épouses et également beaucoup de maîtresses.

La feuille de soja

Cet article est parut la première fois en 2011 pour la feuille de soja n°33 le journal de l’association Souffle et Vie. Un remerciement tout particulier à Bruno Bigot pour avoir retrouvé cet article dans les archives de l’association, et également pour sa coopération amicale à l’édition de bons nombres d’articles.
Découvrez les activités de l’association Souffle et Vie à Nantes et Rezé sur son site : http://www.souffle-et-vie.org/.