Chapitre 4 : Perturbations au monastère bouddhiste

, par  Emmanuel

Résumé du chapitre 4 :

À Yan Men, dans la foule, au moment où Lu Da prend connaissance de l’avis de recherche le concernant présenté sur un panneau d’affichage il est attiré par le vieux Jin. Les deux hommes discutent et Lu Da lui apprend ses péripéties, la mort du boucher sous ses coups, la fuite de Yan An Fu et son errance depuis une bonne quarantaine de jours. Le vieux Jin se propose de l’héberger. Ils rejoignent ensemble Lotus sa fille, mariée depuis peu de temps. Sur une estrade printanière (table basse pour les repas) repose plusieurs plats : poisson frais et fumé, marinade d’oie, poulet tendre et fruits de saison. Du vin d’arak réchauffé est également servi.
Puis dans la soirée une vingtaine d’hommes débarquent avec pour chef le sous-directeur Zhao. Cet homme n’est autre que le mari de Lotus. Ayant appris l’arrivée d’un homme à l’allure suspecte dans la maison de sa femme, Zhao vient vérifier que tout va pour le mieux. Le vieux Jin et Lotus lui apprennent que Lu Da actuellement recherché est leur bienfaiteur, celui qui leur a permis d’échapper à l’odieux boucher de Yan An Fu. De ce fait le sous-directeur Zhao se prend de sympathie pour Lu Da et l’invite chez lui au village des Sept Trésors afin de donner au fugitif un refuge plus adapté. Une semaine se passe, le vieux Jin les rejoint afin d’informer Lu Da que des rumeurs ont permis aux soldats de la sous-préfecture de le localiser. Zhao lui propose de rejoindre son frère, le Vénérable Sagesse-Parfaite responsable du temple de Manjusri sur le Wu Tai Shan.
Lu Da choisit donc de devenir moine sur le conseil de son ami, son crane est rasé et il se revêt avec la robe monastique. Lu Da devient Sagesse-Profonde alias Lu Zhi Shen . Le moine prieur impose les mains sur la tête de Lu Zhi Shen en lui dictant les lois du temple et de l’ordre. Il commence par les trois Refuges qui sont : refuge en Bouddha, refuge en honneur de la vraie Loi, refuge et respect en la Communauté des moines. Il poursuit avec les Cinq interdits : ne pas tuer d’être vivant, le vol est interdit, la fornication également, suivi par l’alcool et le mensonge. Lu Zhi Shen n’acquiesce pas franchement mais dit qu’il s’en souviendra, provoquant ainsi l’hilarité des moines présents. Le Vénérable lui promet par ce chemin empreinté, la Réalisation spirituelle.
Plusieurs semaines plus tard à l’extérieur du temple, lors d’une balade Lu Zhi Shen croise un vendeur de vin portant une palanche et deux seaux remplis. Il veut lui en acheter mais l’autre refuse car la vente d’alcool aux moines est interdite dans la région. Le vendeur se fait donc rosser et dépouiller de la moitié de son vin. Lu Zhi Shen rentre alcoolisé au temple. Les moines portiers équipés de trique de bambou le stoppent et lui garantissent comme le veut le règlement quarante coups de latte pour avoir consommé la boisson interdite. Mais notre gaillard n’est pas prêt de se faire arrêter par deux portiers, ni même par les trente ou quarante autres moines qui essayent de l’arrêter par la suite. Seules les paroles du Vénérable calmèrent la situation. Pardonné cette fois-ci Lu Zhi Shen reste tranquille pendant trois à quatre mois. Lors d’une nouvelle sortie il découvre un village. Il se rend chez un forgeron pour lui commander un bourdon de bonze de soixante deux livres et un grand coutelas. Évidemment les débits de boisson sur son chemin sont visités, il se fait servir de la viande, plat interdit au monastère. Il revient à nouveau ivre au temple. Cette fois les moines portiers barrent la porte de l’intérieur. De colère Lu Zhi Shen brise les deux statues de Vajra de chaque côté de la porte. Menaçant d’incendier le monastère les portes lui sont ouvertes. Il se rend dans la salle de méditation, vomi sur le sol, sort un morceau de viande de chien et le dévore devant les moines atterrés, et conclut en cognant certains d’entre eux. Une armée de moines armés de bâtons engagent alors un combat contre lui. Le Vénérable arrive au milieu des blessés et arrive une nouvelle fois à le raisonner… La décision est prise d’un commun accord entre le sous-directeur Zhao informé par courrier et le Vénérable d’envoyer Lu Zhi Shen ailleurs, dans un autre lieu.


Bouddha de la céramiste Sylvie Douezy-Poul.
Grès noir, cuisson à 1250°C.
À retrouver sur Instagram


De Lu Da à Lu Zhi Shen, le bourdon fait son apparition-Illustration de Patrice Vaidie

Commentaires :

Le titre du résumé de ce chapitre aurait pu s’appeler ironiquement « bienvenue au monastère » tellement les aventures de Lu Da dès lors appelé Lu Zhi Shen alias Sagesse-Profonde y sont rocambolesques et comiques (enfin pour un taoïste...).

Nous rentrons avec la lecture de ce chapitre dans la visite d’un temple bouddhiste du mont des Cinq Terrasses. Les lieux avec les différentes salles visitées et leur fonction propre sont dévoilés aux lecteurs. Les codes du bouddhisme chinois sont également mis en avant. L’organisation à travers les différentes fonctions exercées par les moines est aussi mentionnée. Le roman nous fait découvrir un nouvel univers. Jacques Dars avec les annotations de la fin du livre complète le travail de l’auteur d’une manière efficace. Les sept salles des temples bouddhistes y sont présentées de manière générale et précisées avec leur nomination propre pour le courant Chan : Fo Dian, Fa Tang, Seng Tang, Ku Li, San Men, Yu Tang et Xi Jing.

Rapports avec la pratique de l’école San Yiquan :

L’existence de moines portiers renforçant et protégeant les défenses du monastère amène à penser que des formes d’art guerrier existait à l’intérieur de ces endroits. Les temples bouddhistes de Shaolin intégraient dans leur enseignement la formation des arts guerriers pour certains moines afin que ceux-ci protègent l’enceinte, les murs, les fortifications. De même il devait y avoir à Shaolin des moines prieurs, cuisiniers, jardiniers,…qui ne connaissait que peu de choses aux arts guerriers ou chevaleresques.
La notion de protection se manifeste dans le contexte du chapitre lorsque les moines portiers sortent armés de leur trique de bambou. Ces bâtons ressemblent certainement aux sabres japonais en latte de bambou, les shinai. La finalité réside en la protection de ce qui peut être assailli ou attaqué. Ils sortent pour protéger la porte, et, dans leur cas, afin d’appliquer le règlement du temple.
La notion de renforcement se manifeste dans la consolidation de la structure. Les portiers voit Lu Zhi Sheng arriver, le connaissant et sachant qu’ils ne sont pas de taille à lutter ou à protéger la porte à l’extérieur, ils choisissent de la renforcer par l’intérieur.
Le comparatif entre « arts martiaux interne » « Nei Jia » et « arts martiaux externe » « Wei Jia » peut se manifester également de cette façon. En interne la notion de renforcement demeure prépondérante, et inversement pour l’externe la notion de protection sera bien souvent la plus travaillée. Mais il n’est jamais évident de généraliser les manifestations de grands principes, surtout lorsque celles-ci s’expriment par le corps, l’identité de chaque individu, et l’intention développée dans les arts de mouvements.

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